MÉMOIRE DE FIN D'ÉTUDES
L’okapi (Okapia johnstoni) est un ruminant de la famille des giraffidés, endémique des forêts tropicales de la République Démocratique du Congo (RDC). Discret et solitaire, il n’a été découvert qu’au début du XXème siècle par l’explorateur Sir Harry Johnston à qui il doit son nom. Cet emblème national du Congo aux membres rayés et au pelage velours marron est reconnu en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature, principalement en raison des tensions politiques et de l’expansion humaine qui réduisent son habitat naturel. Aujourd’hui, il resterait moins de 15 000 okapis sauvages.
Dans les forêts de la RDC, l’okapi sélectionne et consomme exclusivement des feuilles de plus de cent cinquante espèces de plantes différentes, avec une préférence pour les pointes de feuillage frais et de grande qualité (Hart et Hart, 1988). Jusqu’à trente-cinq essences végétales différentes sont ingérées quotidiennement. En revanche, en parc zoologique, sa nutrition repose sur du branchage, du foin de luzerne, des fruits, des légumes, de la pulpe de betterave non mélassée ainsi que des granulés pour ruminants sauvages. Cette offre alimentaire, plus riche en éléments facilement digestibles qu’en milieu naturel et réduite en feuillage, a longtemps rendu son acclimatation difficile en captivité et reste encore délicate. Des problèmes de santé liés à l’alimentation sont décrits, en particulier sur le système digestif, en hiver lorsque le branchage est moins disponible (Hummel et al., 2006) et l’activité réduite. Aussi, couplée à la satisfaction des besoins nutritionnels, la stimulation du comportement alimentaire doit être considérée au risque de voir apparaître des comportements stéréotypés (Koene, 1999 cité dans Engelhart et Azulai, 2007).
Bien que l’ostéopathie se soit élargie à l’animal domestique de compagnie, de travail et de sport, elle se fait rare auprès de la faune sauvage captive. Ce présent travail a pour but de mettre en lumière le lien présupposé entre les troubles gastro-intestinaux de l’okapi captif, notamment en hiver, et la présence de dysfonctions ostéopathiques. Il répond ainsi à la problématique suivante : existe-t-il un rapport entre dysfonctions ostéopathiques viscérales et troubles gastro-intestinaux chez l’okapi captif ? Si tel est le cas, une prise en charge ostéopathique de ce ruminant sauvage peut-elle réduire ces désagréments et donc optimiser sa qualité de vie, en particulier en période hivernale ?
Pour répondre à cette problématique, deux okapis du Parc zoologique et botanique de Mulhouse ont été suivis sur une période de douze mois, avec une prise en charge ostéopathique mensuelle sur la saison hivernale, comprenant un relevé des différentes dysfonctions puis un traitement ostéopathique afin de valider ou de réfuter les hypothèses suivantes :
-
Les troubles gastro-intestinaux de l’okapi captif, principalement en période hivernale, sont associés à des dysfonctions ostéopathiques viscérales.
-
La normalisation des dysfonctions ostéopathiques réduit les désagréments gastro-intestinaux de l'okapi captif.
-
Les effets du traitement ostéopathique sont durables dans le temps.
Les résultats obtenus se sont appuyés sur une échelle d’évaluation de l’aspect des fèces, décrivant dix types de selles, allant de fèces entièrement liquides (type 1) à optimales (type 10) ; une mesure du périmètre abdominal à l’aide d’un mètre ruban ; une pesée régulière des deux individus pour déterminer la masse corporelle ; l’attribution d’une note d’état corporel d’après la grille de Disney’s Animal Kingdom (2005) ; une coproculture et un examen parasitologique mensuels des selles.
Ce travail a révélé la présence de dysfonctions viscérales digestives récurrentes, principalement du rumen et du caecum, associées à des fèces de qualité variable pour l’un des deux individus. Une optimisation de la qualité des selles s’est opérée jusqu’à trois semaines post-normalisation. Dans le même temps, le périmètre abdominal a globalement diminué. De plus, aucun des deux okapis n’a perdu d’état ou manifesté de signes cliniques nécessitant de recourir à la médecine allopathique, suggérant éventuellement une action préventive de l’ostéopathie. Aussi, l’étude du second individu a mis en évidence des dysfonctions supposément en lien avec un comportement de léchage répétitif et une polyuro-polydipsie. Ainsi, ces résultats semblent corroborer l’hypothèse selon laquelle les troubles gastro-intestinaux de l’okapi captif sont associés à des dysfonctions viscérales. Pour les deux autres hypothèses, les résultats sont à nuancer.
En outre, l’aboutissement de cette étude ostéopathique chez l’okapi captif, une première pour cette espèce réputée craintive, a laissé entrevoir de nombreuses perspectives et constitue les prémices de réflexions ostéopathiques qui mériteraient d’être approfondies auprès de la faune sauvage captive.